C’est étrange comme les souvenirs peuvent nous replonger vite dans le passé. Je me souviens du temps où je travaillais chez Labatt, et mon collègue est venu me dire : « viens voir ça. »

L’équipe de direction était réunie dans la salle de conférence et la publicité « I Am Canadian » (Je suis Canadien) de Molson jouait. Nous sommes restés assis en silence. Pas un mot, seulement des regards nerveux ont été échangés. Ils (Molson) avaient parfaitement réussi leur coup. Nous en étions tous conscients.

Ils ont su capter l’air du temps canadien en seulement trente secondes. Un peuple humble, attentionné, aimant la paix et multiculturel. La publicité révélait qu’en creusant un peu, on découvre la fierté bien ancrée des Canadiens. La fierté de qui nous sommes et de qui nous devenons.

Même si nous évoluons dans une industrie hautement concurrentielle, je n’ai pas pu m’empêcher de sourire et d’admettre : « Ouais, je suis fier d’être Canadien ». Et puis quelqu’un s’est levé et a lancé : « I AM CANADIAN! » Cette campagne a indéniablement bouleversé les codes du marketing de la bière et, qui sait, elle a peut-être même influencé l’inconscient collectif canadien.

Avançons dans le temps : Jeff Douglas, le héros de la campagne originale alors dans la vingtaine et originaire de la Nouvelle-Écosse, réapparaît aujourd’hui dans une nouvelle publicité qui circule sur les médias sociaux et suscite un regain d’attention à l’échelle (inter)nationale.

Jeff a maintenant 53 ans, et la publicité saisit le même esprit. Cependant, les émotions, pour moi (et je suppose, pour nous tous), sont différentes cette fois-ci. Si la première publicité nous rendait fiers de qui nous étions, celle-ci, a un ton plus mordant. Un ton plus incisif. Cette nouvelle publicité envoie un message plus clair : « Les Canadiens ne reculeront pas. Ils vous passeront le chandail par-dessus la tête et vous botteront le derrière, au besoin. Tenez-vous prêts! »

Cette fois, c’est clairement dirigé vers les pitreries qui se passent au sud. Il saisit le sentiment de trahison que les Canadiens ressentent. Alors que « l’homme sans plan » tergiverse, je doute qu’il réalise pleinement ce qu’il a fait, ce qu’il est en train de faire, et les répercussions à long terme que cela engendrera.

Pour moi, il s’agit autant de notre mentalité collective que de la situation financière… Les Canadiens sont un peuple résilient, nous survivrons, et nous commençons à le prouver avec nos campagnes et actions « Achetez Canadien », et le monde semble être de notre côté.

Qu’est-ce que tout cela signifie pour le secteur hôtelier au cours des prochains mois? Et pour notre esprit collectif?

Le secteur hôtelier a survécu grâce au tourisme domestique. Les voyages d’affaires et internationaux ne sont pas encore revenus à leur niveau d’avant la pandémie. Nos déplacements domestiques ont été en partie financés par les économies que nous avons accumulées pendant la COVID. Il est certain que les situations instables à travers le monde ont également contribué. Les exploitants ont joyeusement ouvert leurs portes et ont accueilli les Canadiens à bras ouverts.

L’économie familiale aura un rôle à jouer… Alors que nous nous préparons aux répercussions de la situation provenant du sud et à l’augmentation des hypothèques arrivant à terme, ajoutées à la hausse des coûts des biens et des taux d’intérêt, cela signifiera que de nombreux Canadiens subiront les conséquences. Ce sentiment de récession se manifeste plus rapidement que jamais dans notre histoire. Nous savons ce qui est coupé en premier : les voyages et les activités de loisirs.

Les hôtels sont parmi les premiers à souffrir des récessions et parmi les derniers à se redresser. Les voyages pourraient de nouveau passer d’un flux constant au compte-goutte, comme pendant la COVID, mais pour des raisons bien différentes. Les répercussions seraient importantes sur le chiffre d’affaires.

Le tourisme en provenance des États-Unis demeure crucial pour le secteur. J’espère et je crois que la plupart des Américains comprennent que cela relève simplement de la politique et n’est pas dirigé contre eux personnellement.

Cependant, il y a un vent de colère qui traverse la plateforme MAGA. On est en train de nous diviser. Et l’histoire nous montre que la division n’apporte rien de bon. Il faudra du temps pour que ces sentiments de trahison guérissent, si cela est même possible. Mais aujourd’hui, nous accueillons chaleureusement les voyageurs des États-Unis en élargissant un peu plus nos portes.

Le contrôle des coûts est primordial. C’est ici que Foodbuy entre en jeu. J’ai pris part à des appels concernant les tarifs douaniers au cours du dernier mois plus que nécessaire. Nous avons examiné tous les angles pour aider nos membres hôteliers à réduire leurs coûts. Mais nous savons tous que les coûts finiront par augmenter si nous continuons sur cette trajectoire.

À mon avis, les exploitants ont tiré sur le levier des prix, laissant peu de marge de manœuvre. L’accent est mis sur les économies de coûts d’exploitation. Tous les gains réalisés grâce à la gestion des prix et des coûts ne seront peut-être pas suffisants pour maintenir la rentabilité à l’avenir. Il y aura des coupures dans les opérations. Ce qui veut aussi dire des coupures dans le personnel. Les emplois perdus entraîneront des répercussions sur notre mentalité collective.

Le dernier point de préoccupation est l’absence de croissance du côté de l’approvisionnement. Cela a des répercussions plus larges sur l’économie dans son ensemble. Le secteur se remettait bien après la COVID, et un optimisme précoce s’était installé après que le monde ait été mis sur pause pendant la pandémie. Puis un coup de poing avec les taux d’intérêt, et un crochet droit maintenant avec les tarifs douaniers. La seule chose que les entreprises veulent éviter, c’est l’incertitude, car elle signale le risque. Le risque pouvant rapidement arrêter des projets.

Le Canada verra un ralentissement dans les nouveaux projets, du moins à court terme. Le problème, c’est que pour les grands centres, cela signifie qu’il faudra trois à cinq ans avant qu’un nouveau projet se mette en œuvre. En repensant à la COVID, cela pourrait signifier que le Canada puisse avoir un retard de développement de 10 à 15 ans. Une génération entière! Cela signifie moins d’emplois, ce qui n’est pas bon signe pour toutes les parties concernées à moyen et long terme.

Que pouvons-nous faire?

Ces secteurs nécessiteront une approche unifiée et rapide avec les gouvernements pour nous permettre de traverser cette période avec une mentalité de guerre. Que ce soit en réduisant les barrières entre les provinces, en éliminant les formalités administratives, en adoptant des mesures protectionnistes pour les travailleurs, en réorganisant notre chaîne d’approvisionnement ou en recherchant de nouveaux partenaires commerciaux, nous devons être unis. Aurons-nous un gouvernement fédéral fonctionnel et solide pour guider les Canadiens à travers cette guerre commerciale?

Les Canadiens, aussi tentés que nous soyons de « passer le chandail par-dessus la tête » de nos voisins, devront rester calmes et comprendre que nous avons besoin les uns des autres. Et nous devons lutter avec des faits et la loi. Trump et compagnie deviennent fous lorsqu’ils sont confrontés à des vérifications de faits. Les faits peuvent servir de digue contre le tsunami de désinformation provenant de l’administration Trump. Notre dépendance au cycle de nouvelles négatives en tout temps est difficile à briser. Les mensonges, la haine, la peur et la colère se propagent exponentiellement plus vite sur les réseaux sociaux aujourd’hui. Le bombardement constant de faits non vérifiés peut changer nos sentiments et affecter notre mentalité collective. Et Trump le sait.

Enfin, essayez de vous rappeler… Ce n’est que de la politique.

À propos de l’auteur

Troy Taylor a 30 ans d’expérience dans les secteurs des services alimentaires, de l’hôtellerie et de la vente au détail, où il a occupé des postes de direction chez Labatt et PepsiCo. Il a également contribué à servir l’industrie par l’intermédiaire de Restaurants Canada, où il a joué un rôle clé en aidant les exploitants à survivre à la pandémie, l’une des périodes les plus difficiles de l’histoire de l’industrie des services alimentaires.

Troy supervise actuellement les publications de Foodbuy Canada qui fournissent des idées pratiques, des solutions d’achat et des innovations permettant de réduire les coûts à plus de 20 000 exploitants d’établissements hôteliers et de services alimentaires à travers le pays. Foodbuy Canada est une société du Groupe Compass Canada.

Partenaire avec Foodbuy

Laissez Foodbuy vous accompagner dans votre démarche d'approvisionnement.

Devenir Membre